Mésopotamie, royaume de Mari, vers 2400 av. J.C
"Prison" Tablette 23,  3 / 7

Les gardiens n'écoutaient pas.
Je chantais en implorant les dieux...

Je déclamais la liste de leurs noms.

Je suppliais qu'ils me viennent en aide.

Je m'adressais à Inanna en l'appelant ma maman. Parfois  je disais quand même, Ishtar la guerrière.

Les fonctionnaires dirent:

"Avec ce tintamarre sur les trois veilles de la nuit, il y a de quoi troubler le sommeil des dieux."

Et moi je continuais à leur brailler:

*J'ai peur du noir,

*Je porte l'étoile d'Ishtar à mon poignet,

*Si on ne me donne pas une lampe à huile,

*Vous, les gardiens, serez frappés du coup d'Ishtar la guerrière.

*A l'aveugle!!*

Voilà ce que je leur chantais!

Les fonctionnaires étaient  très perturbés. Ils avaient sous le nez les ordres de la tablette. Elle était écrite de la main du Grand Scribe royal. Ils se posaient beaucoup de questions:

- Comment peut-on être à la fois puni et bien traité?

- Que devons-nous faire puisque le Roi demande tout et son contraire?

- Ce gamin se moque de nous. Avec sa langue, il attire sur nous la vengeance des dieux.

- Avec ces mêmes mots qu'il ressasse sans cesse, les dieux vont bien finir par l'entendre.

- Quoi que nous fassions, dans un sens ou dans un autre, nous serons réprimandés.

- Alors on ne fait rien?

- Oui c'est cela, on ne fait rien, on attend, dit le gardien chef.

- Il est toujours en conversation avec la déesse. Il se lamente tout son saoul avec elle. Il finira bien par l'enivrer contre nous.

- La nuit Shamash ne voit rien, il est dans sa demeure. Pourquoi ne pas en profiter pour l'assommer un bon coup?

- C'est trop risqué, Ishtar veille sur lui...

- Iku Ilum, c'est toi le chef  ici?
Personne ne l'avait entendu arriver. Il portait le kaunakès. C'est là que je l'ai vu pour la première fois. Il avait l'air en colère. Il s'est approché de ma geôle.

- Iku Ilum  pourrais-tu tolérer que ton âne dorme sur cette litière humide? C'est pire qu'un clapier ici. Cet enfant a de la fièvre, dit-il en me touchant le front. Avez-vous des oreilles pour entendre les tablettes qui ont circulé à son sujet? Emmenez-le immédiatement à l'officine de ma femme. Il faut lui donner un soin urgent. Et maintenant, un bon conseil: Allez donc faire des offrandes au grand Dieu Enlil pour qu'il garde son souffle de vie.

Le Grand Intendant Ebih Il s'éloigna en ajoutant:

- Les hommes sont les âniers des dieux et les fonctionnaires sont des ânes tout court.

 

C'est la prison ici, il n'y a pas de sortie mais...