Mésopotamie, royaume de Mari, vers 2400
av. J.C
"Scorpion" Tablette 25, 2 / 7
Je les comptais. Je m'appliquais.
Etrange multitude, cette découverte.
Je débilitais une scorpionide.
La femelle gravide était éventrée
au silex. J'analysais le cortège des embryons...
Pourtant je ne pouvais oublier cette absurdité
monstrueuse. C'était au lendemain de la grande éclipse...
Je m'entraînais à combiner des pensées
pour les mêler aux souvenirs heureux du passé. Oublier l'intolérable...
A Ebla, ma mère travaillait à la
préparation d'huile de scorpion ou de poudre.
" Les scorpions sont notre gagne-pain. Il faut
épargner les femelles gravides."
Voilà ce qu'elle disait.
"Pour sectionner son dard, tu prends un silex
bien affilé, Bab"
Elle me montrait les bébés dans
le ventre de la femelle en répétant:
"Les scorpions sont notre ressource"
Je revoyais le mur de la maison d'Ebla. L'enfilade
de ces créatures alignées sur une corde se desséchait
au soleil. C'était pour la fabrication des poudres. Je me souvenais
des pots de terre vernissée où croupissaient une vingtaine
de bêtes, noyées dans l'huile d'amande amère... Et
de ce soir où ma mère avait instillé dans mes oreilles,
ce remède pour calmer mon otite.
Dans le quartier administratif du palais de Mari,
je suis triste et je suis seul.
Je vais souvent au parc de la Déesse pour
caresser les moutons promis à ses sacrifices.
Parfois, je me montre arrogant avec la Belle
Dame. Je ne comprends pas ce besoin qu'elle a de la dévoration insatiable:
- Inanna, pourquoi ouvres-tu la bouche sur tous
les moutons voués à ta divinité?
Il faut manger des légumes, Inanna. Il
ne faut pas toucher aux porteurs de laine, si tu veux que les âniers
continuent à t'habiller.
Voilà ce que je lui disais.