Je suis inquiet...

Alors, dans l'obscurité, je souriais.
J'avais du temps, j'avais la nuit pour traquer la pensée.

Chaque soir, je revisitais l'enfance de mes recherches.

Je pensais aux couvercles de "vache qui rit"

Où la déesse Hathor,

De plus en plus petite, n'avait jamais cessé d'exister.

Déjà, j'étais fascinée par l'espace et j'abîmais l'esprit.

Aux matins de mon enfance,
Je me réveillais avec les paysages des murs de ma chambre.

J'imaginais qu'ils pouvaient se multiplier sans fin

Mais je butais dans la ligne droite de l'infini.

Parfois, certains après-midi,

Je rentrais de l'école en écrasant les gouttes de goudron

Sur une route trop chauffée par le soleil.

Alors, je m'arrêtais à ce parcours de l'impossible

Où j'aurais aimé pouvoir faire renaître mon dernier pas.

Et je stagnais sur ce calcul d'éternité.

Plus tard, j'expérimentais les sensations, car je voulais tout.

Je voulais Tout.

Je voulais Tout en même Temps.

Et si c'était ça, le désir de l'Univers?

Alors, le temps n'existerait pas?

Alors, le temps n'existerait que parce qu'il est désir?

Dans les limites de mes recherches,
Je réunissais le Tout

Comme la quintessence de mon expérience

Des cinq sens.

Et je tapissais le Temps des images de l'Apocalypse.

Je rêvais de la réunion des sens.

Je l'expérimentais devant le bleu limité de la mer

Qui bataillait avec celui infini du ciel...

Et

J'écoutais la symphonie fantastique de Berlioz ...

Mais c'était incomplet.

Et

Je mangeais du chocolat,

Et

Je respirais du parfum

Et,

Je commençais à rêver d'un homme,

Et,

Parfois, je m'énervais :
Je prenais trop de plaisir à la musique de Berlioz.

J'oubliais la mer ou bien,  je mangeais trop le chocolat.

Je négligeais le parfum.

Je me voulais multiple.

C'est ainsi que je m'éduquais à voyager sur les frontières.

Maintenant, je me réveille toujours face à la nuit.
A la traque de l'Origine, je ne trouve plus le sommeil.

Pour y remédier, je conçus un stratagème :

M'interdire de penser.

Faire le vide de l'esprit.

Avec une très grande force qui faisait naître une douleur

Dans la partie frontale de mon cerveau,

Je réussissais cette expérience du sommeil.

Mais je compris que l'esprit porteur du moi m'interdisait

Ce passage où je perdais la mémoire.

Alors, ne pas penser, c'est perdre le sens du temps?

C'est perdre la mémoire de ce qui n'existe pas?

Je concluais que pour nous, les hommes,

Il était exclu de refuser une pensée qui nous nourrit.

Nous sommes nés d'une mémoire que nous entretenons

Dans les méandres de notre essence divine.

Notre mémoire collective serait la créatrice de ce qui existe?

Pour cette quête de l'origine, j'enrichissais mes méthodes.
Je faisais confiance à Einstein.

Je l'aimais tant voir tirer la langue au monde des hommes.

Je ne comprenais pas tout de suite

Pourquoi l'espace-temps est courbe.

Je corrigeais la ligne droite de mon enfance.

La courbe se propageait comme une onde dans mon imaginaire.

Toute courbe étant l'amorce d'un cercle,

Je comprenais à ma manière que l'Univers était fini...

A moins qu'il ne soit spirale.

Alors, je le visualisais comme un entonnoir courbe.

Le trou noir de l'embouchure pouvait absorber l'autre extrême.

Et si nous vivions dans un Univers qui se dévore?..

Qui s'engloutit dans les trous noirs qu'il secrète.

Je devenais le poète de l'Univers aspiré par la pensée.
Inspirée, j'imaginais qu'il était multiple.

Et je pensais à Dieu,

A la Force,

A la Lumière,

A  l'Origine.

Pour forcer les portes limitées de mon sommeil,

J'inventais d'autres chemins.

J'aimais remonter la chaîne de l'évolution et là haut,

Quand j'avais dépouillé le vivant,

Dans le milieu de l'algue bleue,

Au bout de la chaîne, ce que je rencontrais,

C'était la sexualité.

 
C'était le désir de l'autre pour perdurer dans le temps.
Mais, n'avais-je pas déjà conclu que le temps n'existait pas?

Que sommes-nous entrain d'attendre de l'Univers abortif?

Et qui se soucierait bien de l'Univers

S'il n'y avait des hommes pour y penser?

 
Je pressentais qu'il fallait être multiple pour comprendre.
Je revenais aux hommes car c'est une sagesse

Que de chercher

L'origine de la pensée chez ceux qui la sécrètent.

Sur les frontières de mes recherches,

Je voyais trois hommes qui me guidaient.

D'abord Jean l'acrobate au surnom de Jean la tripette.
Ce poivrot arrivait en titubant dans le bistrot de mon enfance.

Toujours, il chantait.

Planquée derrière le bar,

L'acrobate me faisait peur et me fascinait tout à la fois

Avec le rituel de grimaces qu'il accomplissait devant le miroir.

Dès que mon père l'avait sorti,  je prenais sa place.

Je tentais de rivaliser avec lui.

Plus tard, j'eus la fascination d'Einstein.
Comme l'acrobate, il tirait sa langue au monde .

Je l'aimais tant pour cela.

Einstein était d'une essence énigmatique.

Pour tenter de l'approcher, je tentais de le comprendre.

C'est avec lui que je retrouvais la ligne droite de l'infini,

Et du temps qui ne semblait jamais se renouer.

Le troisième homme que je trouvais fascinant,
C'était le Christ.

On m'avait enseigné qu'il était Dieu.

Mais comment peut-on être lumière et matière me disais-je?

On me parlait des miracles.

Je continuais les voyages dans mon imaginaire pour comprendre.

Je savais que c'était là, à la frontière que se trouverait la réponse.

Maintenant que je rentre de voyage,

je peux vous donner ma réponse ...

 

Moi l'Aniere, si j'entends le rire des ânes,

 
J'écoute les rossignols chanter...

...Dans les feuilles des peupliers de l'Euphrate,

 Ces pensées couleurs,
                                                                 Il faudra les saisir ! !


ecriture
seduction rêve douleur





Femme à la montre.
Pablo Picasso, 1936.
Reproduit avec l'autorisation de la "Succession Picasso" Année 2000