Mari vers 2400 av. JC

Au mois d'Urâhum, l'enclave de Mari est une terre de Dilmun où les hommes travaillent à la récolte des dieux.
Shamash parcourt l'enclos du ciel chaque jour plus longtemps en réchauffant le limon des rigueurs de l'hiver.
La terre s'offre au soleil comme un prélude à l'union sacrée de la lumière, de l'eau, de la matière qui engendrent le souffle de vie.

Sous le portique de la petite place des marchands qui relie le palais au temple d'Isthar, Babilim allongé à même le sol s'appliquait à compter parfaitement l'étrange multitude de sa découverte.

L'enfant débilitait une scorpionide et la femelle gravide éventrée au silex présentait un cortège d'embryons qu'il voulait analyser.

Bousculé par l'absurdité monstrueuse du lendemain de la grande éclipse, l'enfant tentait de ménager les approximations offertes par la vie en recombinant à son profit les évènements de chaque jour qu'il mêlait parfois aux souvenirs heureux du passé.

A Ebla , il regardait souvent sa mère travailler à la préparation d'huile au scorpion ou de poudre pour faire des potions très recherchées par les habitants afin de soigner les piqûres
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Bab avait appris de sa maman comment attraper un scorpion sans risque, comment lui sectionner son dard avec un silex bien affilé. Elle lui avait montré parfois les petits dans le ventre de la femelle mais elle lui disait que pour leur famille, les scorpions étaient un gagne-pain et qu'il fallait épargner les femelles gravides.

Il revoyait le mur de la maison d'Ebla où s'alignaient sur une corde une enfilade de créatures qui se desséchaient au soleil pour la fabricaton de la poudre. Il revoyait les pots de terre vernissés où croupissaient une vingtaine de bêtes noyées dans l'huile d'amande amère. En repensant au soir où sa mère lui avait instillé dans l'oreille cette huile pour calmer son otite, Bab devint triste.

" les larmes sont logées au fond de moi car je n'ai plus de famille." Il chassa ce souvenir des temps heureux et il se dit qu'il était très regrettable d'avoir insulté le Roi Shulgi car il aimait bien son travail d'huilier au temple d'Isthar.

C'était beau finalement d'allumer les lampes à huile pour la demeure de la Déesse. Les oblats étaient propres et soignés, la nourriture qui provenait des sacrifices était bonne et abondante. Dans le Temple, il fréquentait les scribes, il apprenait les signes de l'écriture, il écoutait les ragots du harem mais dans les champs, ses compagnons de jour lui renvoyaient les images radicales d'une situation de merde.

Pendant combien de temps, vais-je me lamenter sur l'amertume de mon chemin?